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GRF : Elèves acteurs de la lecture analytique
20 novembre 2011

Robinson Crusoé, classe de 5e

Robinson_Crusoé,_texte tel qu'il a été_étudié_par les élèves

 

Introduction

Le texte étudié se trouve dans le manuel des élèves (Nathan, Terre des Lettres, 5e, 2010, p. 40). Il peut être bon d'en donner une photocopie aux élèves pour qu'ils puissent annoter le texte, le souligner et formaliser les recherches qui leur seront demandées. (Cette remarque est valable pour tous les textes analysés.)  

Cette étude s'est faite en début d'année, dans le cadre de la première séquence sur le roman. Dans le manuel, une première séquence sur le roman est consacrée aux ''codes du roman d'aventure''. J'ai fondu les deux séquences, par souci d'économie de temps : je préfère avoir deux séquences sur le théâtre dont l'une consacrée à une œuvre intégrale. Un rallye lecture donnera aux élèves l'occasion de revenir au roman d'aventures en cours d'année.

Par ailleurs, les élèves avaient lu Vendredi ou la vie sauvage de M. Tournier en fin d'année précédente, ils étaient donc familiarisés avec le personnage et l'histoire.

D'où le choix de centrer l'analyse sur le personnage : qui est-il ? Comment l'auteur s'y prend-il pour le présenter ?

Toujours dans cette optique, j'avais pour intention de leur montrer comment la description du cadre contribue à le caractériser grâce au point de vue interne. Il s'agissait là d'une première approche de cette notion, qui serait reprise dans la suite de la séquence et réinvestie dans un travail approfondi d'expression écrite : la description et le portrait.

Aucune recherche n'a été donnée en amont sur le texte, les élèves l'ont découvert en classe.



Texte :                   Un certain Vendredi


Seul rescapé d'un naufrage, Robinson Crusoé se retrouve sur une île déserte. Il organise sa survie. Un jour, il surprend un groupe d'indigènes en train de mettre à mort des prisonniers. Robinson intervient et parvient à sauver l'un d'eux.

En peu de temps je commençai à lui parler et à lui apprendre à me parler.

D'abord je lui fis savoir que son nom serait Vendredi ; c'était le jour où je lui avais sauvé la vie, et je l'appelai ainsi en mémoire de ce jour. Je lui ensei­gnai également à m'appeler maître, à dire oui et non, et je lui appris ce que ces mots signifiaient. Je lui donnai ensuite du lait dans un pot de terre ; j'en bus le premier, j'y trempai mon pain et lui donnai un gâteau pour qu'il fit de même : il s'en accommoda aussitôt et me fit signe qu'il trouvait cela fort bon.

Je demeurai là toute la nuit avec lui ; mais dès que le jour parut je lui fis comprendre qu'il fallait me suivre et que je lui donnerais des vêtements ; il parut charmé de cela, car il était absolument nu.

Robinson décide de retourner au lieu où il a découvert Vendredi pour vérifier si les indigènes sont partis.

Ayant alors plus de courage et conséquemment1 plus de curiosité, je pris mon Vendredi avec moi, je lui mis une épée à la main, sur le dos l'arc et les flèches, dont je le trouvai très adroit à se servir ; je lui donnai aussi à porter un fusil pour moi ; j'en pris deux moi-même, et nous marchâmes vers le lieu où avaient été les Sauvages, car je désirais en avoir de plus amples nouvelles. Quand j'y arrivai, mon sang se glaça dans mes veines, et mon cœur défaillit à un horrible spectacle. C'était vraiment chose terrible à voir, du moins pour moi, car cela ne fit rien à Vendredi. La place était couverte d'ossements humains, la terre teinte de sang ; çà et là étaient des morceaux de chair à moitié mangés, déchirés et rôtis, en un mot toutes les traces d'un festin de triomphe qu'ils avaient fait là après une victoire sur leurs ennemis. Je vis trois crânes, cinq mains, les os de trois ou quatre jambes, des os de pieds et une foule d'autres parties du corps. Vendredi me fit entendre par ses signes que les Sauvages avaient amené quatre prisonniers pour les manger, que trois l'avaient été, et que lui, en se désignant lui-même, était le quatrième ; qu'il y avait eu une grande bataille entre eux et un roi leur voisin, - dont, ce semble, il était le sujet ; - qu'un grand nombre de prisonniers avaient été faits, et conduits en différents lieux par ceux qui les avaient pris dans la déroute", pour être man­gés, ainsi que l'avaient été ceux débarqués par ces misérables. Je commandai à Vendredi de ramasser ces crânes, ces os, ces tronçons et tout ce qui restait, de les mettre en un monceau et de faire un grand feu dessus pour les réduire en cendres. Je m'aperçus que Vendredi avait encore un violent appétit pour cette chair, et que son naturel était encore canni­bale ; mais je lui montrai tant d'horreur à cette idée, à la moindre apparence de cet appétit, qu'il n'osa pas le découvrir : car je lui avais fait parfaitement comprendre que s'il le manifestait je le tuerais.

Daniel Defoe, Robinson Crusoé (1719), traduction de Petrus
Borel, 1835.

 

 

A- Déroulement de la première phase de cours

1) les impressions de lecture des élèves.

La première lecture est faite par le professeur, les élèves réagissent. En ce début d'année, les impressions recueillies restent limitées, mais suffisantes pour mener l'analyse. Je les ai copiés fidèlement au tableau, en les regroupant déjà pour en faciliter l'exploitation. (C'est une aide qu'il est bon de donner aux élèves pour les mettre sur la voie de l'analyse : il ne s'agit pas tout de même d'un jeu de devinettes !). Plus tard dans l'année, ils seront capables d'en effectuer eux-mêmes un classement.

Les voici :

       

 

 


 

Amitié ?


 (mot contesté d'où le point d'interrogation ajouté)
 

 


 

 

 


 

Maître


 

 


  - celui qui enseigne : il est le maître d'école, l'instructeur


 


  - celui qui commande : il est le chef autoritaire


 

 

Dégoûtant


 

Horrible


 

Effrayant,
  choquant


 

 


 

 

 


 

 

 


 

Robinson


 

 


 

Vendredi : pas choqué


 

 

Une première ''vague'' de réactions spontanées a donné la première colonne. Les premières impressions ont été données dans cet ordre. Une simple demande de précision a donné la deuxième colonne. Une discussion entre les élèves a, ensuite, amené à la troisième colonne (à mon grand contentement et … étonnement !)

2) Analyse de ces impressions :

Les élèves ont donc très vite ressenti l'ambivalence du personnage de Robinson et ne lui ont pas accordé sans restriction leur sympathie. C'est important parce qu'ils montrent ainsi qu'un simple retour sur un texte déclenche en eux l'esprit critique, encore sous forme d'impressions, matériau que nous allons pouvoir utiliser pour l'analyse.

 

B- Analyse du texte

- Entré en matière

Il est important de faire remarquer aux élèves la personne utilisée dans ce texte : la première personne du singulier. Ils déduisent que Robinson est le personnage et le narrateur. La quantité de pronoms sujets de la première personne démontre qu'il est le personnage principal. Ceci a été rapidement mené à l'oral, car l'énonciation n'est pas l'objet d'étude ici. Cette recherche a été l'occasion de relire le texte.

[Ce qui est entre crochets n'est pas donné aux élèves. On peut mettre les titres au tableau, une fois effacées les questions afférentes à chaque parie, pour garder trace du plan du cours sur le tableau, ce qui se pratique plus systématiquement en lycée]

[I- Le personnage de Robinson : un colon paternaliste]

1) Une première question est posée à la classe dans le but d'étudier ce personnage, en rappelant ce qu'ils en ont dit dans les impressions de lecture : il est clair que nous devons rechercher dans le texte ce qui traduit les deux aspects soulignés par les élèves (celui qui enseigne : il est le maître d'école, l'instructeur, et le maître qui commande : il est le chef autoritaire). D'où la question :

Quel type de maître Robinson est-il ? Pour répondre à cette question, relevez

- les verbes qui montrent la volonté de Robinson d'instruire l'indigène et ceux qui montrent qu'il lui donne quelque chose

- ceux qui indiquent qu'il lui impose sa volonté.

Réponse : les élèves vont relever :

- ''apprendre'' (L 1), ''je lui enseignai'' (L 3), ''je lui appris que'' (L 4),

- ''Je lui donnai'' (L 5), ''et lui donnai'' (L 6), ''je lui donnerais'' (L 9),  ''je lui mis à la main'' (L 14), ''je lui donnai'' (L 15)

- ''je lui fis savoir'' (L 2), je lui fis comprendre qu'il fallait'' (L 8/9), ''Je commandai à vendredi'' (L 29), ''je lui avais fais comprendre'' (L 34)

2) La deuxième étape de cette première partie de l'analyse consiste à interpréter les actions du personnage.

Pour cela ils ont dû relever (lister)

- les éléments enseignés,

- les éléments donnés

- les éléments imposés.

Les élèves réfléchissent ensuite aux objectifs de Robinson, à ce qui le motive, pour répondre à la question initiale : quel type de maître Robinson est-il ?

C'est dans un échange oral et avec mon aide qu'ils ont trouvé cette réponse : Robinson enseigne à Vendredi les habitudes et les comportements de sa culture, dans le but de le ''civiliser'', de le sortir de son état sauvage et de ses habitudes cannibales. Mais par là-même, il lui impose ses règles et ses valeurs, le soumet à son autorité, ceci sans malveillance. En effet, s'il menace de le tuer
(dernier mot du texte), c'est pour se protéger et non pour l'agresser (''Je m'aperçus que Vendredi avait encore un violent appétit pour cette chair, et que son naturel était encore canni­bale'' L 31/32). Robinson n'est donc pas ''méchant'', ce n'est pas un tyran, mais ce n'est pas non plus un ''ami''. C'est un maître, dans les deux sens du mot trouvés par les élèves en début de leçon.

Une dernière question sur ce thème pour synthétiser les remarques : ''quelle expression du texte résume pour vous la relation installée par Robinson entre lui et l'indigène ? Certains ont répondu à juste titre ; ''mon Vendredi'', (L 13), d'autres, ''je lui fis savoir que son nom était Vendredi'' (L 2), ce qui était intéressant aussi.

3)
La dernière étape
de cette partie consistait à réfléchir rapidement sur les choix de l'auteur : ils ont vite vu que le personnage n'est pas montré de manière explicite par l'auteur : il ne dit pas ''voilà comment est ce personnage''. Il accumule plutôt les actions, généreuses ou autoritaires, et crée davantage une impression générale plutôt qu'il n'explique vraiment la la personnalité des personnages et la relation qui s'installe entre eux. Il est intéressant ici de rappeler le contexte historique, l'époque de Defoe, et de montrer les changements intervenus dans nos rapports avec les pays du quart-monde. La discussion peut aller loin car le sujet est vaste. J'ai dû arrêter les élèves dans leur élan !.

4) A cet endroit de l'analyse, les élèves auraient dû copier une première synthèse sur cet aspect. Je n'ai pas eu (ou pris) le temps, ce qui montre que ce cours n'est pas parfait ! Une synthèse a été faite à la maison (voir plus loin).

 

[II- La description d'un drôle de champ de bataille]

Mon objectif etait ici de montrer que la description d'un lieu dépend de celui qui le voit, et ainsi d'introduire la notion de point de vue. Elle sera observée dans d'autres textes de la séquence pour faire ensuite l'objet d'un cours en liaison avec l'expression écrite.

Le travail est facilité par les réactions des élèves (bon public !) aux horreurs imaginées par Defoe et décrites en point de vue interne par Robinson.

1) Première étape

Après une relecture des troisième et quatrième paragraphes, ainsi que de leurs impressions de lecture relatives à ce thème (dégoûtant, horrible, effrayant, choquant) je leur ai demandé de relever

- les aspects horribles de la scène (''un horrible spectacle'') : de nombreuses citations entre les lignes 20 et 31

-b les réactions de Robinson face à cette scène : ''mon sang se glaça dans mes veines'' (L 17), ''mon cœur défaillit'' (L 18), ''chose terrible à voir, du moins pour moi'' (L 18).

- les réactions de Vendredi : une seule réaction ''cela ne fit rien à Vendredi'' (L 19).

La question suivante s'impose d'elle-même : pourquoi cette différence dans les réactions ? Ils trouvent très vite la réponse : ils ne voient pas les choses de la même manière, car pour Vendredi, il s'agit simplement des restes d'un repas, ce qui est confirmé par l'explication que celui-ci donne dans les lignes 23 à 28.

2) Deuxième étape

L'approche devient un peu plus technique, elle est destinée à mettre en relation cette explication évidente, donnée par les élèves, avec les choix d'écriture de l'auteur : ils doivent relever le champ lexical de la vue dans le troisième paragraphe (''spectacle'' (L 18), ''voir'' (L 18), ''Je vis'' (L 22)).

Partant du verbe relevé ''Je vis'' (L 22) et de la recherche de son sujet, les élèves ont pu montrer que c'est bien Robinson, personnage et narrateur, qui voit le spectacle et donc qui réagit.

En leur demandant d'imaginer rapidement ce que Vendredi aurait décrit (ce qui les a beaucoup amusés), ils ont compris ce qu'est un point de vue, plus particulièrement le point de vue in terne, comment on peut l'utiliser et quel effet il produit sur le lecteur (les impressions de lecture de départ !)

Une courte synthèse sur cette notion a été dictée.

Cette deuxième partie est plus courte, elle est très importante au niveau des enseignements méthodologiques. Elle a été prolongée dans les autres séances par des approfondissements sur les notions de description et de point de vue, réinvesties dans l'expression écrite (inspirée du cours proposé p 36 du manuel : décrire un lieu propice à l'aventure).

 

Bilan

L'analyse riche de ce texte (mais non exhaustive) et le dynamisme des élèves n'ont pas permis d'écrire vraiment les synthèses. Ils ont eu à le faire à la maison sous forme de questions récapitulatives.

Pour ce travail, je me suis d'ailleurs partiellement inspirée des questions proposées par le manuel. Elles sont utiles pour orienter l'analyse, plus particulièrement dans le cas où on suit les textes proposés dans une séquence, car les concepteurs ont choisi et échelonné les approches, ce qui se retrouve dans le choix des questions posées.

C'est leur utilisation qui est à étudier : elles ne sont pas le guide de l'analyse du texte, mais des outils annexes, bien que précieux. Les guides de l'analyse du texte sont d'une part les élèves et d'autre part le professeur qui anime l'analyse, ceci dans les directions qu'il a choisi à l'avance.

Les questions du manuel sont utiles également après l'analyse du texte, pour une reprise de ce qui a été dit en classe, par exemple pour un travail à la maison.

France de Bonnault



 

 

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Commentaires
Z
bonjour très intéressant! Auriez-vous un champs lexical du bateau, de la faune et de la flore?
L
robinson au boyau de la terre
GRF : Elèves acteurs de la lecture analytique
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