Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
GRF : Elèves acteurs de la lecture analytique
19 octobre 2011

Comment s'appuyer sur les impressions et les émotions des élèves pour mener une analyse de texte en classe.

Présentation de la formation par France de Bonnault

 

 

 

Plan de la présentation :

 

 

Introduction

 

I- Comment définir un texte et la notion d’impressions ?

1) La littérature, un art

2) Définir ‘’l’émotion’’ d’un texte

3) La sensibilité de l’élève, un outil à forger.

 

II Le rôle du professeur. (Patience et persévérance !)

1) Eduquer le groupe classe

2) Notre matière, un cas particulier.

3) De quels moyens disposons-nous ?

a - La communication dans une classe : la pédagogie.

b - Notre talent de lecteur (lectrice).

 

III L’expression des impressions

 

IV Comment y parvenir ? (Préparation de la classe et de l’enseignant à cet exercice)

1) - Travail de préparation pour l’élève.

2) - Travail de préparation du professeur

a - entraînement à la lecture du texte,

 b- Travail à proprement parler didactique :

- choisir dans le texte les entrées à privilégier.

- Préparer quelques questions

- On peut éventuellement préparer trace écrite 

c -  Prévoir un prolongement

 

V Place à la pratique.

 

VI Résumé des consignes concrètes de mise en œuvre du cours vues lors de la formation

1) - Le tableau

2) - Présentation et lecture du texte

3) - Les impressions

4) - L’analyse du texte

5) - La trace écrite

 

 

 

Conclusion

 

 

 

 

Introduction

 

Cette intervention porte plus particulièrement sur la littérature, au collège comme au lycée.

L’approche des textes proposée repose sur les premières impressions de lecture des élèves à la découverte du texte, et sur la manière de les utiliser pour favoriser une compréhension guidée du texte.

Il s’agit d’une explication de texte, d’une lecture analytique interactive dans laquelle l’élève construit sa compréhension du texte avec l’aide du professeur et parfois aussi de ses camarades.

 

Tous les cours ne peuvent pas être menés sur ce modèle. Il s’agit d’une activité d’étude de texte. D’autres séances sont consacrées, selon le niveau, à des objectifs linguistiques et méthodologiques.

 

 

 

- Comment définir un texte ? (Distinguer contenu rationnel et émotionnel, la littérature reposant sur les émotions avant tout)

 

1) La littérature, un art

 

 

 

Pour revenir rapidement sur ce qu’on entend par littérature, nous considérons ici tous les textes mis à la disposition des élèves, les textes dits ‘’d’auteur’’ de même que la littérature de jeunesse, qu’il nous arrive d’étudier occasionnellement. Les uns comme les autres  n’échappent pas à le règle commune : la littérature repose avant tout sur les émotions, celles de l’artiste comme celles du lecteur qui la reçoit. Bien évidemment, la littérature ne se limite pas à ce contenu émotionnel, mais c’est sur celui-ci que l’auteur s’appuie pour s’exprimer, se faire entendre, et se faire comprendre.

 

Prenons deux exemples : un extrait des Pensées, de B. Pascal (1670) et la fable Le Loup et l’Agneau de J. De la Fontaine (1668). Les deux auteurs ont à cœur de constater l’existence de ces deux pouvoirs en conflit : la force et la justice. Ils en étudient les rapports chacun à leur manière, à la même époque. (Préférons la notion d’époque à celle de date car ‘’date de publication’’ ne signifie pas ‘’date d’écriture’’ surtout dans le cas de ces deux œuvres)

 

 

 

 

 

 

Pensées, 1670 (posthume). B. Pascal

Justice force.

Il est juste que ce qui est juste soit suivi. Il est néces­saire que ce qui est le plus fort soit suivi.

La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique.

La justice sans force est contredite parce qu'il y a tou­jours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste.

La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n'a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice, et a dit qu'elle était injuste, et a dit que c'était elle qui était juste.

Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.

 

.

Le Loup et l'Agneau, J de la Fontaine, 1668

La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l’allons montrer tout à l'heure.

Un Agneau se désaltérait

Dans le courant d'une onde pure.

5 Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,

Et que la faim en ces lieux attirait.

« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?

Dit cet animal plein de rage :

Tu seras châtié de ta témérité.

10 — Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté

Ne se mette pas en colère ;

Mais plutôt qu'elle considère

Que je me vas désaltérant

Dans le courant,

15      Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,

Et que par conséquent, en aucune façon,

Je ne puis troubler sa boisson.

— Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,

Et je sais que de moi tu médis l'an passé.

20 — Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?

Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère.

— Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.

— Je n'en ai point. — C'est donc quelqu'un des tiens :

Car vous ne m'épargnez guère,

25     Vous, vos bergers, et vos chiens.

On me l'a dit : il faut que je me venge. »

Là-dessus, au fond des forêts

Le Loup l'emporte, et puis le mange,

Sans autre forme de procès

 

 

 

 

 

 

Le raisonnement des deux auteurs est proche : la force ne peut être acceptée si elle n’est placée sous le regard de la justice. Chacun nous montre les dérives possibles si tel n’est pas le cas. Mais quelle différence dans la forme littéraire mise en oeuvre !

 

Le lecteur, ici l’élève, a du mal à suivre et à comprendre le raisonnement pourtant très clair et logique de Pascal. Il décroche et finit par bailler ! Cependant, il tremble pour l’agneau et s’indigne contre le loup grâce à la lecture que nous lui faisons du texte. Sa sensibilité capte la partie du message qui s’adresse à elle : les émotions. C’est à ce niveau, celui de la sensibilité, que le professeur peut entrer en communication avec lui et le guider vers la compréhension : le propos de Pascal trouve chez La Fontaine une illustration concrète.

 

2) Définir ‘’l’émotion’’ d’un texte

 

Le plus souvent, quand nous parlons de l’émotion du texte, nous évoquons le ‘’registre’’. Toutefois, pour définir cette approche des textes, nous devons élargir ce concept.

Par le registre choisi, l’auteur veut créer un effet sur le lecteur et souvent y parvient : le rire, la compassion, l’indignation… Mais nous avons souvent constaté que plusieurs types d’émotions se superposent ou se succèdent si rapidement que le terme de registre reste trop général pour rendre compte de la lecture d’un extrait (à moins qu’il n’ait été choisi précisément pour l’étude  de  cette notion de registre).

 

A cela se rajoute la sensibilité propre aux élèves : elle peut varier selon l’âge, l’origine et l’expérience de chacun.

On trouverait de nombreux exemples, dans la tragédie notamment, comme le sacrifice d’Antigone au nom de principes religieux. Ils ont vite fait de classer le personnage dans la catégorie des dépressifs pour s’expliquer, à leur niveau, cette action !

 

 Enfin, quand nous leur faisons lire des textes des siècles passés, il n’est pas rare que le registre ait perdu de son acuité, de son actualité. C’est souvent le cas du comique, chez Molière par exemple : Harpagon est-il ridicule ou pathétique ? A l’époque de Molière, il aurait trouvé peu de monde pour le plaindre. Pourtant, aujourd’hui, les mises en scènes modernes montrent le contraire.

 

 Que l’élève trouve Harpagon risible ou pitoyable n’est pas grave. Ce qui compte, c’est qu’il soit sensible au personnage et que nous sachions écouter ses remarques et nous appuyer dessus pour lancer l’étude du personnage et celle du registre par exemple en les guidant dans l’analyse des moyens mis en œuvre par Molière.

 

C’est pourquoi l’approche du texte ne peut être conçue que comme l’interaction entre ce texte et l’élève. Même si nous sommes parfois choqués par leurs remarques qui semblent témoigner d’un manque de compréhension, il est important que nous l’aidions à réfléchir à ce qu’il a voulu dire en le lui faisant préciser : derrière ce qui nous semble parfois une énormité se cache bien souvent une difficulté à exprimer une impression recevable ou même une interprétation que nous n’aurions pas imaginé car nous sommes adultes, instruits et, dit-on, ‘’anciens bons élèves’’.

 

Nos auteurs nous ont laissé des œuvres dont la richesse est telle que leur sens est reconstruit par chaque lecteur. Sans aller jusqu’à considérer nos élèves comme des critiques littéraires accomplis, il nous revient de les mettre sur la voie de l’éveil aux textes. Quelque soit leur âge et leur niveau culturel personnel, un texte peut leur ‘’parler’’ au même titre qu’une musique, une image ou une autre forme d’art.

 

 

3) La sensibilité de l’élève, un outil à forger.

 

Or les élèves cherchent souvent à comprendre, mais se découragent parce qu’ils n’utilisent qu’une partie de leurs capacités : leur raison et leurs connaissances. Leur approche reste rationnelle, la seule acceptable et ‘’scolaire’’ à leurs yeux.

 

 Etant donné qu’elle est souvent insuffisante, ils convient de les guider vers une autre aptitude qu’ils délaissent : la sensibilité.

 Elle fait peur à beaucoup d’entre eux, soit qu’ils ignorent qu’il s’agit d’un réel outil d’apprentissage, soit que l’adolescence leur donne un sens trop aigu du ‘’ridicule’’. Cependant, cet apprentissage, celui de la sensibilité conçue comme un ‘’outil de travail’’, est indispensable à la fois pour la compréhension des textes et pour leur développement personnel : trop de sensibilité, souvent mal utilisée est néfaste (pensez à au Bovarysme !), mais trop peu aussi (et à Meursault) ! Il est donc important pour eux de connaître leur sensibilité et de savoir la maîtriser sans l’étouffer.

 

 

II Le rôle du professeur. (Patience et persévérance)

 

1) Eduquer le groupe classe

 

En classe, cet apprentissage nécessite parfois un peu de temps. On n’y arrive pas toujours du premier coup, du moins pas forcément de manière satisfaisante. Il faut éduquer le groupe classe à ce travail, avoir de la patience et de la persévérance.

Pour cela, nous disposons de notre autorité mais, plus intéressant, de notre aptitude à communiquer dans une classe.

 

En effet une classe est un groupe qui a une dynamique propre mais qui est composée d’individus. La majorité veut apprendre, réussir par l’école. La plupart désirent ne pas s’ennuyer, ce que nous ne devons pas nous cacher : combien de fois avons-nous entendu ‘’On a français, on va encore dormir pendant une heure !’’, ou ‘’On a français, à quoi ça sert ?’’, autant de  façons de questionner l’intérêt et l’utilité de la matière.

 

2) Notre matière, un cas particulier.

 

Nous sommes formés en lettres modernes ou classiques. Nous enseignons la langue et la littérature française, mais nous donnons des cours de ‘’français’’ comme d’autres enseignent l’anglais ou l’allemand… Mais ils savent parler français ! (Du moins le croient-ils …)

Le paradoxe apparaît ici clairement. Le fait d’avoir cours dans une matière qu’ils pensent connaître et dominer leur donne une assurance et une exigence à l’égard du professeur qu’on ne retrouve pas de manière aussi aigue dans d’autres matières, en math ou en physique pas exemple où l’utilité et la difficulté de la matière s’imposent à eux. L’utilité leur semble directement liée au monde moderne et même à un futur emploi éventuel, la difficulté tient au manque de maîtrise des codes dont la plus grande partie reste pour eux à découvrir. En effet, quel succès quand on peut aligner plusieurs équations ou formules physiques ou chimiques.

 

Notre tâche est à coup sûr plus difficile ! Mais nous savons que si nos élèves sont déjà, pour la plupart, capables de déchiffrer, ils doivent apprendre à ‘’lire’’, même au lycée ! Je me rappelle d’un élève très sûr de lui qui soutenait pouvoir analyser un texte sans l’aide d’un cours : il savait faire ! En effet, il a écrit en quelques minutes un ‘’commentaire’’ d’une page sur un passage. Bien sûr il s’agissait de paraphrase et de généralités sans intérêt, mais ce qui était intéressant dans sa démarche, c’est qu’il pensait sincèrement savoir faire et donc qu’il n’était pas prêt à recevoir des conseils et à suivre un apprentissage. Ils sont nombreux dans ce cas, au collège comme au lycée.

 

A nous de les captiver, de faire vivre nos textes : l’auteur, aussi ancien soit-il, reste vivant dans son œuvre dans la mesure où il y a mis en scène des aspects de l’éternel humain qui touchent directement nos élèves. Leurs réactions prouvent qu’ils y sont sensibles, donc qu’ils peuvent comprendre un texte intuitivement, par empathie avec les personnages. C’est ce que nous devons leur apprendre à développer pour ensuite les guider vers l’analyse de l’écriture elle-même, ses procédés et les effets qu’elle cherche à produire.

 

 

 

 

3) De quels moyens disposons-nous ?

 

a - La communication dans une classe : la pédagogie.

 

Le cours est une situation de communication dont nous donnons les règles. Vous allez demander à vos élèves de réagir à chaud sur un texte que vous venez de leur lire. Ils vont devoir prendre la parole et, ceci, dans le respect et l’écoute des autres, sans ‘’bavardages’’ inutiles et hors propos. De plus, vous leur demandez d’exprimer des émotions, ce que beaucoup d’entre eux ne savent pas faire. Tout ceci n’est pas facile !

Et pourtant, ils aiment réussir, donner des bonnes réponses. La peur du texte est en grande partie responsable de l’effacement des élèves ou même de leur distraction. Ils ne se sentent pas concernés, c’est plus facile. Mais quand on peut les accrocher, il est frappant de voir à quel point ils se concentrent, se consacrent au texte.

Peu restent réticents. Mis en minorité ils se taisent. Il leur arrive même (à leur insu et à leur grande honte parfois) de se mettre à répondre. Leur silence est déjà une victoire, mais leur participation est une grande satisfaction professionnelle. Ce sont souvent par la suite vos meilleurs défenseurs (’’respect’’ disent-ils de vous !).

 

En fait, il y a toujours un ou plusieurs élèves, des filles souvent, qui vont ouvrir la voie. En les valorisant, on démontre que les remarques intuitives, basées sur leurs impressions d’auditeurs, sont acceptables et même porteuses de succès. Les autres se prennent assez vite au jeu. Le but (idéal mais non inaccessible) est un cours dans lequel les élèves échangent sans l’intervention du professeur, si ce n’est pour recentrer les interventions sur le texte et les centres d’intérêt choisis.

 

B - Notre talent de lecteur (lectrice).

 

Le cours d’analyse de texte nécessite bien évidemment une préparation (voir infra ‘’travail de préparation personnel’’, p. 7). Dans ce cadre, il est important de se rappeler que nous possédons tous une aptitude particulière à lire de manière expressive un texte. Notre goût personnel qui s’exprime dans le choix de nos études et notre connaissance de la littérature en général nous permettent de très vite saisir les nuances des extraits. Comme les comédiens, nous savons leur donner vie. Comme eux, il est bon de s’entraîner  à lire plusieurs fois à haute voix lors de notre préparation de cours. Le but est certes de faire vivre l’extrait comme nous le demandons d’ailleurs aux élèves, mais aussi de faire ressortir nos choix didactiques pour attirer l’attention des élèves sur eux : un champ lexical, des figures de style, des mots ou expressions particulièrement porteurs de sens dans une argumentation …

 

Pour ce faire, le rythme de la lecture sera volontairement lent, ce qui leur laissera le temps de s’imprégner pleinement de l’atmosphère du texte et des détails qui les frappent. La lenteur confère à la lecture une solennité qui contribue à notre autorité, ce qui compte, mais aussi installe en classe un moment de grand calme favorable à l’introspection dont ils auront besoin dans la phase suivante. Un moment de silence après la lecture est même recommandé.

 

 

 

III L’expression des impressions

 

Après notre lecture, les élèves expriment spontanément leurs émotions de lecture. C'est-à-dire qu’ils réagissent à chaud sur la situation dans laquelle l’auteur les a placés et ils sont très souvent ‘’bon public’’ : toujours prêts à plaindre et à s’indigner, à repérer le ridicule et à le dénoncer, à sentir le comique (même s’ils ne rient pas franchement), à sentir le frisson du surnaturel, à s’émouvoir de la fatalité, à gronder contre le sordide d’une ‘’réalité’’ qu’ils connaissent parfois trop bien. Nous le savons, chez eux la sensibilité est à fleur de peau. Il est frappant de voir à quel point ils parviennent vite à trouver les clés du texte. Peu de choses leur échappent. Il est vrai que leur vocabulaire n’est pas toujours celui que nous souhaiterions, mais, dans un premier temps, ce n’est pas le plus important, ils apprendront au fil des textes (voir plus loin, le vocabulaire).

 

Ils vont devoir procéder par introspection et au passage, savoir distinguer ce qui relève des émotions et ce qui relève de la réflexion. Dans le deuxième cas, il s’agit d’interventions qui proposent une analyse du texte, à ce stade forcément limitée. Il faudra veiller cependant à noter ces remarques sur une partie du tableau en leur faisant remarquer qu’il ne s’agit pas d’émotions. En peu de temps ils auront compris.

Pour les plus jeunes, ou dans le cas de textes particulièrement difficiles au niveau du lexique, il peut être utile d’avoir recours à la paraphrase pour vérifier la compréhension du texte, toutefois, elle ne se substitue pas au travail sur les émotions de lectures.

 

 Une fois les impressions notées au tableau, une question leur demandant de justifier quelques unes de ces émotions nous permettra de glisser vers l’analyse à proprement parler.

 

 L’analyse se fera de manière inductive, c'est-à-dire que le bilan théorique sera tiré des remarques des élèves.

 

 On ne leur fait pas chercher un procédé dans le texte, mais plutôt l’emploi ou la répétition de telle ou telle forme lexicale ou syntaxique, qui se trouve être un procédé que nous pourrons leur nommer à la fin de la recherche (sauf dans le cas de procédés connus depuis longtemps). Il est toujours amusant d’entendre les élèves demander si l’auteur ‘’a fait exprès’’ de choisir tous ces mots, s’il a voulu dire ‘’tout ça’’ ! A quoi on peut répondre qu’ils ne se posent pas la question pour un tableau ou un morceau de musique (le peintre a-t-il fait exprès de choisir cette couleur ou cette forme ? Et le compositeur ces notes ou ce rythme ?). De plus, les extraits que nous analysons avec eux sont sélectionnés pour leur aspect particulièrement révélateur d’un style ou d’un procédé. (Il est bon également de leur montrer  des brouillons d’écrivains, la littérature qui sort du ‘lis tes ratures’’, expression utilisée par un auteur, Roger Judenne, qui est venu nous voir.)

 

IV Comment y parvenir ? (Préparation de la classe et de l’enseignant à cet exercice)

 

1) - Travail de préparation pour l’élève.

 

Le principe de ce cours repose sur la découverte du passage à étudier en classe, donc on ne donne ni texte, ni questions à l’avance. En revanche, il peut être utile de donner une recherche à faire en amont de l’étude pour permettre aux élèves de mieux percevoir le contexte indispensable à la pleine compréhension du texte : contexte historique, social, artistique, politique parfois (certains textes de Hugo ou de Zola par exemple), biographie de l’auteur en particulier dans le cadre de l’autobiographie, mais pas seulement. Cette base de connaissances que vous évaluerez font partie des pré-requis culturels nécessaires mais que vous n’avez pas le temps de travailler en classe et qu’il est bon qu’ils découvrent tout seuls. De plus, ces recherches contribuent à enrichir leur culture personnelle, à développer leur autonomie et à les impliquer à l’avance dans le texte à étudier sans le déflorer.

 

 L’étude du vocabulaire est importante parce que les élèves vont avoir du mal, au début, à s’exprimer et, comme nous l’avons vu, à distinguer ce qui relève de l’analyse du texte, donc de l’approche rationnelle (si rassurante mais souvent si stérile aussi), et ce qui relève des impressions réelles de lecture dictée par leurs émotions.

Une étude du vocabulaire des sentiments et des émotions sera donc utile. On pourra noter le nouveau vocabulaire utilisé en classe pour le mémoriser. Il est également possible de faire apprendre les champs lexicaux, ce qui peut se faire sous forme de phrases à choix multiples, de listes (moins efficace) ou d’autres exercices que vous trouverez dans les manuels.

 

 

 

 

2) - Travail de préparation du professeur

 

a - entraînement à la lecture du texte, étape cruciale, nous l’avons souligné plus haut : l’analyse du texte étant basée sur la réception par l’élève, la lecture que nous lui en faisons est primordiale.  Je dirais que tout repose sur cette lecture.

Pour qu’ils puissent dégager les émotions qu’ils ressentent ou celles qu’ils sont sensés éprouver, il doivent entendre non pas un lecteur, mais un conteur, un poète, un acteur qui tient tous les rôles, un peu comme dans les lectures radiodiffusées. Le lecteur devient invisible et laisse la place à l’émotion du texte.

Nous savons faire cela, mais un entraînement est nécessaire et rassurant. Il arrive que nous ayons nous aussi nos timidités, nos petits blocages à vaincre. Cela dit, nos erreurs ne sont souvent pas perçues par les élèves car nous sommes plus exigeants qu’eux !

 

b- Travail à proprement parler didactique :

 

- choisir dans le texte les entrées à privilégier, les enseignements que nous voulons dégager dans la cadre de la progression prévue dans la séquence. On peut en préparer un plan détaillé pour pouvoir poser les questions qui vont les diriger dans la direction que nous souhaitons (par exemple l’étude de l’énonciation, du registre, du personnage, du cadre du récit…)

Il est hors de question de commenter un texte dans la totalité de sa richesse. Si un élève soulève une question que nous ne souhaitons pas traiter, il est important de ramener l’étude dans les limites que nous avons choisies. On peut féliciter l’élève parce que sa remarque est pertinente et annoncer que cet aspect sera traité une autre fois, dans un autre texte. Une nouvelle question de notre part fait alors repartir l’analyse dans le sens souhaité.

- Préparer quelques questions ciblées sur les choix didactiques que nous avons faits. Il est possible d’utiliser quelques questions du manuel, mais il est mieux de les reformuler à notre manière, celle à laquelle les élèves sont habitués. Il s’agit en général de relever dans le texte des éléments de réponse qui serviront à son analyse (champs lexicaux, types et formes de phrases, connecteurs spatio-temporels ou logiques, figures de style ; pour les textes argumentatifs, les arguments ou les exemples cités par l’auteur, ces derniers étant toujours plus faciles à repérer que les arguments plus abstraits …)

- On peut éventuellement préparer une trace écrite qui sera très courte pour faire une synthèse intermédiaire en cours d’étude, au terme d’un axe d’étude, et une synthèse finale. Nous devons rester très souples dans ce domaine car les élèves vont facilement proposer eux-mêmes des phrases de synthèse, et même si leur expression est moins bonne que la nôtre, elle a plus de valeur pour eux.

 

c -  Prévoir un prolongement

 

Enfin, on peut prévoir un travail d’écriture en prolongement du travail fait en classe. Il n’est pas systématique, mais est utile  à plusieurs titres : les élèves qui n’auraient pas pu (ou voulu) s’exprimer seront contraints de le faire, il permet de reformuler et de mémoriser ce qui a été dit sur des aspects méthodologiques qui seront réinvestis dans l’études de prochains textes, il permet aussi d’ouvrir sur une approche plus personnelle par l’élève dans la mesure où on peut lui demander de porter un jugement circonstancié sur la pensée de l’auteur.

 Même les plus petits aiment dire ce qu’ils pensent sur les textes, ce que ne prévoit pas vraiment le cours puisqu’il s’agit plutôt de comprendre les procédés mis en œuvre par l’auteur que de discuter vraiment la thèse qu’il défend. Ainsi, on peut analyser en  classe de sixième un passage de Cabot-Caboche de Daniel Pennac et demander aux élèves de rédiger à la maison la réponse à une question qui leur demande d’exprimer leur avis sur l’attitude des adultes à l’égard de leurs animaux domestiques. Ils ont beaucoup de choses à dire, et apprennent à le faire au passage !

On peut ainsi poser des questions dont les réponses ont été données en classe mais non notées, des questions qui abordent un aspect plus particulier du texte à approfondir (recherche systématique de procédés d’écriture à titre d’entraînement pour un prochain texte ou d’application d’une leçon antérieurement vue). Pour les plus grands, on peut leur demander un résumé des remarques sur un aspect du texte en vue du commentaire, une partie de commentaire…

 

Avec l’habitude, ce travail de préparation peut être rapide, en fait vous le faites déjà pour vos textes.

 

 

V Place à la pratique.

 

Nous allons la mettre en œuvre avec un jeu de rôle dans lequel vous serez les élèves et moi le professeur. Cette mise en situation sera le meilleur moyen de vous indiquer la marche à suivre. Après quoi je répondrai à vos questions.

Ensuite, nous organiserons des groupes de quatre participants.

Chaque groupe choisira un texte et préparera son intervention. Il s’agira de lire le texte et de mener une partie de l’analyse. Les autres joueront bien entendu le rôle des élèves et réagiront à la lecture avec le plus d’honnêteté émotionnelle possible (vous verrez que ce n’est pas si facile dans la mesure où nos connaissances peuvent représenter un handicap, faire écran à notre spontanéité). Les intervenants actifs se  garderont de donner un plan clair de leur étude du texte et de nommer les centres d’intérêt ou les points méthodologiques qu’ils ont choisis d’étudier dans l’extrait.

Vous trouverez des textes de genres et de registres différents. Ils sont répartis sur les niveaux de collège et de lycée. Vous pourrez les étudier tels qu’ils sont présentés, ou les découper et n’en retenir que la partie qui vous paraît la plus pertinente pour vos choix didactiques.

 

 

 

VI Résumé des consignes concrètes de mise en œuvre du cours vues lors de la formation

 

1) - Le tableau

 

Il s’agit d’un outil essentiel qui, même s’il n’est pas numérique, est interactif.

Dans ce type d’approche, on ne marque pas au tableau les objectifs de la séances. Ils se révèleront peu à peu au fil de la séance. Toutefois, les élèves sont guidés par le titre du chapitre (de la séquence) et souvent aussi par les indications du manuel.

 

Voici une manière parmi d’autres d’utiliser le tableau, en fonction de vos habitudes.

Le panneau central est consacré à la trace écrite, le titre de l’œuvre et le nom de l’auteur y sont inscrits dès le début de la séance. Les titres de parties ou les questions qui s’y rapportent seront inscrits au fur et à mesure qu’ils sont présentés aux élèves. Les remarques ou synthèses que le professeur voudra faire noter seront écrits sur cette partie du tableau par lui-même ou par un élève au fil du cours.

Chaque question du professeur étant destinée à développer un aspect du texte, on peut à chaque étape effacer la partie déjà recopiée, mais en laissant le titre donné à cette partie (ou l’intitulé bref de la question pour les classes de début de collège). Ainsi, le plan du cours se déroulera progressivement au tableau et les élèves en auront la trace sous les yeux. La progression logique devrait alors leur apparaître.

Le panneau latéral gauche reçoit les impressions de lecture dans leur formulation brute, c'est-à-dire avec le vocabulaire de l’élève (sauf grossièretés bien entendu), mais déjà de manière un peu organisées : on regroupe les remarques qui vont dans le même sens. Les élèves peuvent aussi les copier, mais seulement quand le travail de mise en commun de ces remarques est terminé de manière à rester concentrés sur leur recherche et l’écoute des impressions formulées.

Le panneau de droite sert de ‘’brouillon’’. On peut y noter des remarques, digressions, explications qui ne sont pas destinées à être écrite dans le cahier, du moins pas sous cette forme.

 

2) - Présentation du texte

 

Une introduction est nécessaire, toutefois sans le dévoiler. L’auteur sera présenté, ainsi que l’œuvre intégrale dont il est extrait. Les élèves devraient pouvoir le situer dans la chronologie et dans le mouvement littéraire au moins. Ces éléments pourront avoir fait l’objet de recherches personnelles en amont de la séance. (Voir p. 6 : Travail de préparation pour l’élève.)

Selon les choix didactiques, on pourra également attirer leur attention sur le genre, éventuellement sur la forme de discours.

En revanche, tout ce que vous vous proposez d’étudier ne sera pas signalé, et surtout, le texte sera découvert en classe, avec votre lecture, ce qui est la condition essentielle pour générer les impressions sur lesquelles nous devons nous appuyer.

 

La première lecture ne peut être faite que par le professeur.

 

3) - Les impressions

 

A la suite de votre lecture, et après une courte pause, l’enseignant demande aux élèves leurs impressions. Sur la partie gauche du tableau il les note lui-même en début d’année en effectuant un premier classement : les émotions dans la partie supérieure du volet, les réflexions, les interprétations, la paraphrase sur la partie inférieure, Ces dernières  ne sont pas forcément inintéressantes, mais il est important de faire la différence pour leur apprendre à exprimer vraiment des émotions (voir supra, p. 6). Dès qu’ils auront compris, un élève pourra être le secrétaire de séance et noter les impressions de lecture au tableau. Les rendre acteurs de leur apprentissage est toujours motivant et efficace.

Les interventions des élèves seront gérées par le professeur : on parle quand on est interrogé, on écoute les autres.

Il arrive assez fréquemment que des impressions soient contradictoires. On les note toutes, quitte à en disqualifier une pendant l’analyse. On pourra aussi favoriser le dialogue (toujours guidé par le professeur) des élèves entre eux, ce qui se produit souvent dès que la méthode est assimilée.

On peut consacrer dix minutes à ce travail, parfois davantage selon le texte, de préférence pas plus de vingt minutes. Un allongement ne peut être accepté que dans le cas peu fréquent où le travail d’analyse effectif est construit par les élèves.

Rappelons que pour les textes difficiles ou pour les élèves les plus faibles, il peut être nécessaire de reprendre le sens du texte par quelques précisions de vocabulaire ou de sens général qui nécessite un peu de paraphrase.

 

4) - L’analyse du texte

 

Une fois ce travail terminé, le questionnement par le professeur peut commencer. La meilleure transition est de faire un résumé rapide de ces impressions en les regroupant selon les entrées dans le texte qu’on a choisies et en demandant aux élèves dont les remarques concernent notre première partie de justifier par le texte leurs remarques (‘’qu’est qui te permet de dire ceci ou cela dans le texte ?’’). Ils seront amenés à commencer les relectures partielles, donc à se familiariser avec le texte, et à rechercher des passages ou expressions qui, pour nous, s’avèreront être des procédés d’écriture (pensez au coup de pinceau du peintre, à la note de musique du compositeur, p. 6).

C’est là que le professeur intervient et commence vraiment son analyse. Nous tenons là notre point commun, pour l’élève des mots du texte, pour nous un procédé à étudier. Un relevé systématique sera demandé, c'est-à-dire que les autres occurrences de ce procédé seront recherchées dans le texte. Le professeur pourra alors nommer le procédé et l’expliquer.

Un aspect du texte pourra enfin  être  commenté et non paraphrasé ou négligé.

Grâce à l’impression initiale (ou aux impressions initiales), les élèves seront invités à repérer l’effet produit par le procédé littéraire choisi par l’auteur. Ils pourront en juger l’efficacité et, selon le plan de cours, en créer par eux-mêmes, ce qui peut être fait à l’oral en quelques minutes, au moins pour s’assurer que ce point du cours est compris. Au lycée, cette phase de travail est utile à l’écrit d’invention, qui est souvent un écrit d’imitation (genre, registre, type de discours…).

Ils pourront aussi évaluer la réussite de l’auteur, mesurée à l’aune de leurs propres réactions, ce qui contribuera à faire d’eux de meilleurs lecteurs.

 

 Nous avons donc le schéma suivant que vous pourrez répéter pour vos autres choix didactiques : observation du texte, choix de passages ou d’expressions, désignation et explication du procédé, interprétation  d’un aspect du texte. Il s’agit du schéma traditionnel de l’analyse de texte qui, prise en sens inverse, donnera une sous partie de commentaire : interprétation, procédé d’écriture et citation.

 

5) - La trace écrite

 

Outre les références du texte, elle comportera le plan du cours et les remarques importantes écrites sur la partie centrale du tableau. Selon le niveau de la classe, on pourra laisser une certaine autonomie aux élèves. Il me semble que dès la classe de troisième, ils peuvent prendre des notes sur ce qui est dit, mais jamais pendant la première phase, l’expression des impressions de lecture.

Chaque point abordé donnera lieu à une courte synthèse. Pour les plus jeunes, elle peut être faite en classe, par les élèves et notée sur la partie centrale du tableau. Recopiée dans les cahiers ou classeurs, elle est destinée à être effacée, seul le titre restant au tableau.

Etant donné qu’il s’agit essentiellement d’un travail d’analyse orale, le travail à proprement parler d’expression écrite pourra être demandé en devoir à la maison (voir p. 7 ‘’Prolongement’’). Il peut être guidé par des questions qui maintenant prennent tout leur sens : comment exprimer à l’écrit tout ce que je sais sur la question et que j’aimerais communiquer ?

 

Les nouveaux outils littéraires découverts feront l’objet d’un cours spécifique, l’explication en sera reprise et illustrée par des exercices.

 

 

Pour conclure, je dirai qu’il est nécessaire d’être à la fois ambitieux et modeste. 

Chacun de nous peut réussir cette forme de cours, chaque élève peut y participer de manière active, dans ce sens nous devons être ambitieux pour nous et pour eux.

En revanche, il est préférable de se donner des objectifs modestes lors des premières séances, quitte à ne traiter qu’un point du texte.

Toutefois, dès que la classe sera habituée, vous verrez qu’il est possible d’aborder deux ou trois parties en une séance.

 

Je reste à votre disposition pour répondre à vos questions ultérieures par mail ou pour vous recevoir au collège Louise Weiss (France.De-Bonnault@ac-strasbourg.fr).

Bonne continuation d’année scolaire

Publicité
Publicité
Commentaires
GRF : Elèves acteurs de la lecture analytique
Publicité
Archives
Publicité