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GRF : Elèves acteurs de la lecture analytique
14 février 2012

Une lecture analytique d'un poème de Rimbaud

Je m’aperçois que mes précédentes publications ne sont significatives que d’une partie seulement des pratiques de lectures analytiques que j’essaie de mettre en œuvre en cours.

En effet, il s’agit le plus souvent d’explications très « formalisées » qui reprennent peu ou prou la structure de l’exercice canonique du commentaire composé pratiqué au lycée ou encore celle des sujets de brevet (qui s’apparentent plus souvent à une explication linéaire mais qui restent néanmoins organisés de façon très rigoureuse).

Ce souci de la formalisation de l’explication me semble être moins nécessaire en classe de 4° dont l’issue n’est pas sanctionnée par un examen comme la classe de 3° ou la classe de 1ère.

 

Le cours que je vais décrire présente donc une organisation plus « libre », qui a l’avantage de respecter davantage le rythme et la logique de la lecture des élèves ;

Il s’agit de la deuxième séance d’une séquence sur un corpus de poèmes de Rimbaud ; le texte étudié est le poème « A la musique ».

 

A LA MUSIQUE

 

Place de la Gare, à Charleville.

 



Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

Un orchestre guerrier, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
On voit, aux premiers rangs, parader le gandin,
Les notaires montrent leurs breloques à chiffres :

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs ;
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames,
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;


Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent des traités,
Puis prisent en argent, mieux que monsieur Prud’homme !

Étalant sur un banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois bienheureux, à bedaine flamande,
Savoure, s’abîmant en des rêves divins,
La musique française et la pipe allemande !

Au bord des gazons frais ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, des pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…

− Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts, les alertes fillettes :
Elles le savent bien, et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles ;
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules…


Je cherche la bottine… et je vais jusqu’aux bas ;
Je reconstruis le corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
− Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…

 

En amont de la séance, les élèves ont eu à chercher le vocabulaire difficile et à faire une première lecture « de découverte » à la maison.

La séance commence donc par la recension des mots ayant posé problème (cf. cours à la musique élève 1) et par les éventuels difficultés pour en percevoir le sens général.

cours à la musique élève (1) 001

 

Je procède ensuite à la lecture à voix haute en insistant sur les effets de rupture du vers (rythmes irréguliers, rejets, rimes parfois dysphoniques…)

J’inscris alors la question suivante au tableau et demande aux élèves de la préparer au brouillon pendant 5 minutes :

« Ce poème correspond-il à l’image que vous vous faites habituellement de la poésie ? Pourquoi ? »

 

L’objectif est double : il s’agit à la fois de faire prendre conscience aux élèves que Rimbaud reprend certains codes et clichés de la poésie traditionnelle et particulièrement de la lyrique amoureuse (thème de la rencontre, importance du regard, forme rimée, alexandrins…) tout en les subvertissant (métrique bousculée, reconduction de l’évocation du sentiment amoureux à un désir sensuel et sexuel parfois brutal, grande place accordée à la critique sociale dans la description des badauds sur la place,  présence d’un certain humour…). Cette double postulation est d’ailleurs perçue d’emblée par les élèves car dès la formulation de la question l’un d’eux me demande s’il peut répondre à la fois par l’affirmative et par la négative.

Il s’agit aussi de nuancer la représentation un peu caricaturale que les élèves ont de la poésie : ils la définissent essentiellement comme un outil au service du « romantisme » conçu comme une sorte de qualité, de subtilité du sentiment propre à celui ou celle qui tente de séduire… c’est-à-dire comme une forme qui a souci d’elle-même, comme un simple « ornement ». L’étude du poème de Rimbaud permet alors d’élargir cette vision, somme toute étriquée, de la poésie en démontrant aux élèves qu’elle ne se cantonne pas à l’exaltation du « beau » (au sens le plus commun du terme) ni ne se comprend comme la seule application de règles formelles.

Les 5 minutes écoulées, les élèves mettent leurs réponses en commun et celles-ci sont parfois contestées, enrichies, mises en relations avec d’autres éléments par l’ensemble de la classe. La prise de notes est progressive et s’effectue dans un tableau qui différencie les éléments plus attendus des éléments plus surprenants (voir cours à la musique élève 2).

cours à la musique élève (2) 001

Une fois ce relevé terminé, je leur propose, pour finir, de revenir à « quelques détails importants du texte » (voir cours à la musique élève 2) pour mettre en évidence certains jeux sur le rythme et les sonorités que les élèves n’ont pas perçus.

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